Le cas d’Emmanuel Giboulot sera traité lundi devant le tribunal correctionnel de Dijon. Ce vigneron bourguignon risque jusqu’à 6 mois d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende. Qu’a-t-il fait pour mériter pareil traitement ?
Travaillant en biodynamie, Emmanuel Giboulot a refusé d’appliquer le traitement, pourtant obligatoire, contre la flavescence dorée.
Rétroactes
En 2013, un arrêté préfectoral a obligé les viticulteurs de Côte-d’Or à appliquer un traitement préventif afin de lutter contre la flavescence dorée. La maladie avait déjà fait des ravages en Saône-et-Loire : 12 hectares de vignes infectées ont dû être arrachés. En Côte-d’Or, aucun cas de contamination n’avait été constaté. Emmanuel Giboulot, viticulteur bio et biodynamique à Beaune, a décidé de ne pas traiter. Suite à un contrôle, il a été poursuivi et est convoqué au tribunal de Dijon lundi.
La cicadelle scaphoideus titanus, vectrice de la flavescence dorée, appartient à l’ordre des homoptères et est originaire des Grands Lacs aux Etats-Unis. Cette maladie est l’une des plus importantes sur la vigne et se trouve sur la liste des maladies de quarantaine. Elle est largement répandue actuellement dans le vignoble français, à l’exception des vignobles septentrionaux.
Source : Institut français de la vigne et du vin
L’Institut pour la protection de la santé naturelle (IPSN) lance une pétition sur la toile qui rencontre un très grand succès. Le 22 février à 23h. 47 elle comptait 452.823 signatures. Ainsi que nous l’apprend Le Bien Public, un collectif de soutien qui réunit 20 organismes à sensibilité écologique organise un pique-nique devant le tribunal lundi à midi.
Lire aussi :
- L’article complet de Fabrizio Bucella sur le site Le Huffington Post – Le point sur l’affaire Giboulot
- Le texte de la pétition lancée par l’Institut pour la protection de la santé naturelle (IPSN)
Réaction de la filière
Vendredi 23 février, les responsables du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne ont convoqué une conférence de presse afin de donner leur version des faits. Celle-ci s’est faite avec la Confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne (CAVB) et le Service d’écodéveloppement agrobiologique et rural de Bourgogne (Sedarb).
Le Bien Public rapporte l’énervement palpable auprès des responsables des trois organismes. « Il y a tout et n’importe quoi qui circule en ce moment avec de véritables aberrations », a lancé Claude Chevalier, président du BIVB. Jean-Michel Aubinel, président de la CAVB d’ajouter : « Nous n’avons pas souhaité nous porter partie civile dans cette affaire pour ne pas en faire un exemple ni un martyr. Mais rappelons que ce n’est pour personne une gaieté de cœur d’appliquer ces traitements. La flavescence dorée est un véritable fléau. La CAVB a décidé de travailler avec la plus grande concertation, prendre le temps des débats pour élaborer une stratégie de lutte contre cette maladie pour 2014 et grâce à la photographie du vignoble qui a été effectuée par une large prospection, nous aurons une meilleure visibilité ». Pascal Lambert, directeur du Sedarb a lui insisté sur le fait qu’il fallait « laisser aux professionnels le soin de régler cette problématique importante ».
Individuel versus collectif
Cette affaire qui met en avant le traitement collectif et prophylactique versus le choix individuel de ne pas s’y soumettre n’est pas sans rappeler certaines débats relatifs aux campagnes de vaccination comme celle relative à la poliomélyte. Ce vaccin, qui est obligatoire, a permis la quasi-disparition de la maladie à l’échelle nationale et européenne. Si l’on décidait de ne pas vacciner son enfant, il y aurait peu de chance qu’il contracte la maladie, la couverture collective ayant permis l’éradication des foyers. Par contre, si plus personne ne vaccinait son enfant, des foyers risqueraient de réapparaître.
C’est finalement ce que reconnaît Emmanuel Giboulot lui-même lorsqu’il explique que si un foyer de la flavescence dorée était apparu à proximité de ses vignes, sa réaction aurait sans-doute été différente. Bien entendu, la comparaison avec les campagnes de vaccination doit se manier avec prudence, les traitement dont on parle n’étant pas à proprement parler des vaccins.
Le viticulteur explique sa démarche dans ce sujet de France 3 Bourgogne (2:06).