Ce samedi 26 août, Le Soir publiait dans sa rubrique économique un article relatif à une baisse historique prévue de la production de vin français en 2017. Que faut-il en retenir ? Est-ce alarmant ? Tentons de faire le point.
Tout d’abord, un postulat important est celui que la production de vin français a un grand impact sur le marché du vin en Belgique. Cette hypothèse est parfaitement cohérente dans la mesure où le Belge demeure un considérable importateur de vin français. Il est justifié de s’interroger sur la santé économique de notre plus grand partenaire vitivinicole. Ce qui se passe en France a une grande influence sur le consommation de vin en Belgique.
Statistiques par échelle régionale et nationale
Faut-il s’alarmer d’une « vendange historiquement basse » en France ? Pour répondre à cette question, l’article du Soir avance plusieurs statistiques relatives à la production attendue de vin par région. Certaines régions sont plus touchées que d’autres. D’autres régions, comme la Champagne et la Bourgogne, tirent même leur épingle du jeu avec des productions attendues supérieures à 2016.
Tout de suite, un élément d’analyse attire notre attention : tous ces chiffres sont relatifs à l’année 2016. Si la région avait une production historiquement basse en 2016 (comme c’est le cas de la Bourgogne), elle affichera une valeur positive. Ces statistiques présentent donc peu de recul (en pratique : un an). Il est difficile de tirer des conclusions avec un intervalle si faible.
Ensuite, il y a le passage de constats depuis l’échelle régionale vers une échelle nationale. Celle-ci se fait en pondérant les variations de productions régionales par leur production (attendue). Une région comme Bordeaux (producteur important en volume) influencera plus le marché belge qu’une région comme le Jura (plus petit producteur en volume). Cela est également lié au fait que la Belgique est le plus grand importateur en volume de l’Union Européenne des vins de Bordeaux (chiffres 2017).
Surtout ne pas généraliser à une région trop grande
Enfin, vient la question de la qualité du millésime. À cette question épineuse, la statistique ne peut se substituer à la démarche empirique. Parler d’un millésime « bon » en « France » n’a ni queue ni tête. IWD fait partie de l’école qui ne considère pas légitime de parler d’un « bon » millésime à l’échelle nationale et qui prend des pincettes à l’échelle régionale (on parle d’un bon millésime en Bourgogne ? mais est-ce Chablis ou Beaune ? plutôt Pommard ou Meursault ?).
La qualité d’un vin ou d’une vendange est influencée par tellement d’impondérables que croire qu’un vigneron produit un bon ou un mauvais millésime parce que son voisin a produit un bon ou un mauvais millésime relève du houliganisme. Oui, ceci peut donner un indice, mais l’estimation de la qualité d’un vin demeure l’apanage du vigneron considéré individuellement, non d’une sous-région, d’une région ou d’un pays.
Lien entre récoltes et prix
Souvent, comme dans l’article, on tente d’établir un lien entre la qualité de la vendange et le prix final au consommateur (belge de surcroit). La réflexion est posée comme suit : suivant un mécanisme d’offre et de demande, ce qui est rare est cher donc les années de faible production se traduisent par des prix au consommateur plus élevés.
Ce raisonnement doit être modulé dès que l’on considère que le marché du vin en Belgique n’est pas régi uniquement par cette loi d’offre et de demande, que les structures de négoces comme les vignerons n’augmentent souvent pas le prix proportionnellement à leur perte de récolte et que le consommateur sera manifestement peu enclin à payer très cher un mauvais vin, même produit en quantité limitée.
La France a des réserves
Pas de raison (ou de raisin) de s’affoler ? Certainement aucune. Même pas de s’inquiéter ? C’est la récurrence des mauvais millésimes qui est problématique. Les vignerons sont souvent capables d’assumer une année médiocre. Cette réflexion ne peut se prolonger à l’infini … Le vigneron risque alors d’être confronté à de graves problèmes financiers surtout pour les plus petits d’entre eux (ceux qui ont le moins de stock ou ne peuvent jouer sur plusieurs appellations).