Dans ce pamphlet sorti en 1937 et, au départ, interdit de publication, l’écrivain Céline s’en prend aux bistrots, aux viticulteurs, au cinéma l’abrutisseur, et au vin l’empoisonneur.
Voici un extrait de l’ouvrage de Louis Ferdinant Céline :
Le Roi Bistrot
Le Roi Bistrot, possède, lui aussi, tous les droits, par accord politique absolument intangible, à l’immunité complète, au silence total, à tous les encouragements, pour l’exercice de son formidable trafic d’empoisonneur et d’assassin …
Rien ne peut le troubler: la presse, la radio, les Préfets, l’État entier lui sont, pour son négoce, entièrement soumis, à ses ordres, empressés, effrénés à mieux le servir …
Les deux lions rugissants de la publicité contemporaine au-dessus de tous les autres fifres, sont Cinéma l’abrutisseur et Vinico l’empoisonneur. Effleurer les abracadabrants privilèges de la vinasse, voici le seul crime en France rapidement châtié… La France est entièrement vendue, foie, nerfs, cerveau, rognons aux grands intérêts vinicoles. Le vin poison national! … Le bistrot souille, endort, assassine, putréfie aussi sûrement la race française que l’opium a pourri, liquidé complètement la race chinoise … le haschisch les Perses, la coca les Aztèques …
Jamais les affaires de la limonade n’ont été si encourageantes, jamais les grands apéritifs n’ont connu pareille prospérité. Regardez un peu leur matériel ? … Quel luxe ! … Un perpétuel 14 juillet … La démocratie déborde … Jamais la publicité du vin (et dérivés vins cuits etc.) ne fut tellement effrontée, tellement insolente … L’outrecuidance des grands nectars est à son comble … Que risquent-ils ?. .. Rien ! … Les 350 000 bistrots de France ont tout remplacé dans la vie des masses … L’église, les chants, les danses populaires, les légendes, etc. Le petit peuple, la foule la plus pauvre, est amenée, drainée au zinc comme le veau à l’abreuvoir, machinalement, la première station avant l’abattoir. Le peuple ne ressent plus le besoin d’autres choses que de nouveaux bistrots, plus de loisirs et plus de bistrots.