Expérience de Morrot, Brochet et Dubourdieu

L’expérience qui fut réalisée en 2001 à la Faculté d’œnologie de Bordeaux (Institut des sciences de la vigne et du vin, ISVV) par les professeurs Gil Morrot (Centre INRA de Montpellier), Frédéric Brochet et Denis Dubourdieu (Faculté d’œnologie de l’Université de Bordeaux) est depuis devenue une expérience canonique qui est enseignée dans tous les cours d’œnologie.

L’expérience de Morrot, Brochet et Dubourdieu (2001) est une des illustration de ce que les psychologues appellent le biais de confirmation d’hypothèse, confirmation biais ou d’assimilation d’hypothèse expectation assimilation.

Un vin blanc coloré de rouge … décrit comme un vin rouge

L’expérience tendait à prouver que la dégustation d’un vin et ses prétendues qualités olfactives et gustatives étaient largement influencées par le contexte dans lequel le vin était bu et la représentation que s’en faisait le dégustateur, ainsi que par les propres qualités sensorielles de ce dernier.

Les chercheurs ont constaté que les dégustateurs associaient au vin rouge des descripteurs classiques associés aux odeurs de fruits rouges et noirs (cassis, framboise, myrtille, groseille), et au vin blanc des descripteurs analogues associés aux fruits jaunes et blancs (abricot, pêche jaune et blanche, ananas).

Un vin de table présenté comme un grand cru … décrit comme un grand cru

Il existe une autre expérience réalisée par Morrot et Brochet en 1999 qui a consisté à présenter à deux semaines d’intervalle le même vin estampillé vin de table lors d’une session et grand cru lors d’une autre session de dégustation comme l’explique Gil Morrot à Vitisphère.

« Nous avons fait une expérience avec des étudiants en 2e année d’œnologie. Nous avons pris un vin d’une coopérative bordelaise qui, en modifiant l’étiquette, est devenu un prestigieux grand cru classé. Nous leur avons fait goûter, puis, 15 jours plus tard, nous avons proposé le même vin mais dans une bouteille étiquetée ‘vin de table’. Sur 57 étudiants, seuls six ont découvert la supercherie. Les autres ont jugé plus sévèrement le ‘vin de table’ que le ‘grand cru’ avec des notes variant parfois de 5 à 15, alors qu’il s’agissait du même vin. »

Il s’agit également de l’illustration du biais de confirmation d’hypothèse qui peut aller très loin, jusqu’à suggérer de percevoir des arômes boisés là où il n’y en a aucun. En effet, les dégustateurs ont indiqué percevoir du boisé dans le vin étiqueté ‘grand cru’ et ont décrit les styles de boisé. Or, le vin goûté n’avait jamais été mis en contact avec le bois … « Ils ont trouvé l’odeur qu’ils attendaient d’un grand cru. Il y a eu association d’idées donc création. Avec un certain contexte, on peut facilement trouver une odeur et ensuite la décrire finement » (Gil Morrot à Vitisphère).

Parfois, on se réfère à l’une ou l’autre des expériences de manière un peu confuse, d’autant que l’expérience de 1999 a reçu une publicité grand public seulement quelques années plus tard et les articles ont parlé des résultats des deux recherches.

Résumé de l’expérience de Morrot, Brochet et Dubourdieu

Les chercheurs de l’INRA ont postulé que les mots relatif à la description olfactive étaient en réalité employés davantage pour décrire la couleur du vin que son goût. Ils ont donc soumis 54 étudiants en oenologie à un test consistant à leur faire déguster un vin blanc et un vin rouge, qui était en fait le même vin blanc coloré en rouge grâce à des colorants naturels ne modifiant pas le goût du vin. Les étudiants ont employé les descripteurs olfactifs habituels du vin rouge pour le vin blanc coloré de rouge et ceux associés au vin blanc pour le vin blanc.

Cette expérience tend à démontrer que la perception du vin est en partie une construction de notre cerveau. Le premier message (sensoriel) envoyé à notre cerveau grâce à nos sens est ensuite reconstruit par le cerveau (étape cognitive) à l’aide d’autres perceptions et processus (vue, toucher, goût, puis codée par le plaisir, la mémoire, etc).

Protocole expérimental (en anglais)

The two wines used for the experiment were Bordeaux wines (AOC ‘‘Bordeaux,’’ vintage 1996), containing semillon and sauvignon grapes for the white wine (wine W), and cabernet-sauvignon and merlot grapes for the red wine (wine R).

Part of the white wine was colored red (wine RW) with 2 g/L of purified grape anthocyanins (E 163, ANTOCIAL, SEFCAL, 30760 Saint-Julien de Peyrolas, France). Wine W was treated in the same way as wine RW (stirring and oxygenation) except coloring.

The neutrality test of the dye was carried out by 50 people recruited on the ENSIA Massy campus. The sex ratio was 1:1. In order to verify that the anthocyanins had no perceptible odor, colored white wine was compared to normal white wine by means of triangular tests in opaque glasses. Each subject completed one block of six trials (the six possible arrangements), presented in random order with three random digits indicated on each glass. The subjects tasted the wines in individual booths illuminated with red light. The subjects received 50 FF for their participation in the test.

The wine comparison test was carried out in two sessions separated by 1 week. In order to get round the interindividual chemosensorial differences of the tasters, the comparative test did not require the use of a consensual language. Indeed, if individual odor spaces can exist, individual differences are too great to establish a representative odor space for a whole group (Berglund et al., 1973). During the second session, tasters were asked to use the same list of terms as they themselves chose to use during the first session. This gave us the possibility to compare the descriptions in the two experiments, while allowing the tasters to describe the wines with their own terms.

The wine comparison test was carried out by 54 undergraduates from the Faculty of Oenology of the University of Bordeaux. The sex ratio was 1:1. The subjects were not told in advance that there would be only two sessions. The wines were presented in clear AFNOR glasses, under artificial white lighting. The subjects were seated in individual booths and were allowed to taste as they wished. In each session, they received two wines and they had the possibility of comparing them during the whole session.

During first session, the subjects were requested to draw up a list of odor descriptors for wine W and R. A list of descriptors was supplied to them. The subjects had the possibility of using the descriptors from that list or one of their own choosing. For each descriptor, the subjects had to indicate which of the two wines most intensely presented the character of this descriptor.

For the second session, each subject received his/her own list of descriptors, from the first session, given in alphabetical order and without indications concerning the wines. The two wines then proposed were W and RW. The subjects were asked to indicate for each descriptor of their list which of the two wines most intensely presented the character of this descriptor.

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