Jean-François Canevas, un vigneron du Jura : « Je préfère un vin vraiment bon pendant six mois plutôt qu’un vin dont on me dit qu’il sera bon pendant des années », cité in Les Ignorants d’Etienne Davodeau. C’est le récit d’un apprentissage, presque une école du vin, de ceux qui le font et de comment l’apprécier. La dégustation au-delà de la dégustation. L’oenologie au quotidien.
Dans Les Ignorants d’Etienne Davodeau, c’est la rencontre entre un auteur de BD et un vigneron.
Le premier propose au second de passer près d’un an à travailler chez lui. L’un et l’autre découvriront des univers de prime abord dissemblables mais finalement assez proches. Le chapitre 6 du livre vaut particulièrement le détour.
Intitulé éloge de la bouse, l’auteur y décrit avec un brin d’ironie son initiation à la biodynamie. Un soir de juin 2010, préparation de la 500P, la bouse de corne. Richard Leroy, le vigneron : C’est de la bouse de vache qui a passé l’hiver dans des cornes, de vache aussi, enterrées. On pense que cette préparation améliore la vie du sol. Les quantités ? 100 grammes de la précieuse bouse et trente-six litres d’eau par hectare. Bref, sur un grand carré de 100 mètres sur 100 mètres, à savoir 10.000 mètres carrés, l’auteur rappelle judicieusement que c’est surtout de l’eau qu’on va pulvériser ….
La biodynamie ?
Initiée par Rudolf Steiner (1861 – 1925), un philosophe autrichien lors d’une série de conférences aux agriculteurs qu’il a données une année avant sa mort. Steiner a fondé la société anthoroposophique qui propose une vision supramatérialiste du monde et des relations entre les être vivants. La biodynamie refuse les engrais chimiques et les produits de synthèse. Elle va au-delà de l’agriculture biologique par la prise en compte des rythmes planétaires et lunaires et l’utilisation de préparation diluées à base végétale ou animale comme la fameuse 500P. Sans prendre position, Davodeau réussit l’exploit de nous faire comprendre la démarche. Se définissant lui-même comme cartésien, il conclut en rappelant le confort de la position d’ignorant.
Mais ce n’est pas tout, le 30 juin 2010, cinq heures du matin. Là c’est une autre préparation, la 501. Il s’agit de 3 grammes de silice dilués … par hectare de vigne. Cette préparation est censée dynamiser le feuillage vers le ciel, la lumière. Richard Leroy explique : La silice, c’est comme des cristaux, des pièges à lumière qu’on pose sur les feuilles. C’est pour cela que le dosage est essentiel, afin de ne pas griller les vignes.
À la fin, l’auteur ne choisit pas vraiment. Il nous laisse cependant apercevoir son admiration et son amitié pour ses hommes qui travaillent manuellement leur vigne, la respectent et s’y investissent. Laissons la parole au vigneron : Ceux qui m’ont fait découvrir la biodynamie sont tous des gens de grande valeur sur le plan humain : attentifs, respectueux, humbles. Ça compte vachement.