Bière spéciale

[Série spéciale bière – 1/2]  Entre septembre et octobre, Arnaud Laconte nous partage son avis et son expertise sur la bière. Dans cet article, il dénonce la différence de prix appliquée aux bières « spéciales » en Belgique qui a, selon lui, plusieurs conséquences.

Les bières « spéciales » en Belgique

En Belgique, nous considérons comme « spéciale » toute bière issue de fermentation haute. Par opposition à la bière de fermentation basse, type lager ou pils (références avec Jupiler, Stella, Maes et consorts …). Nous appelons « spéciales » l’ensemble des autres catégories de bières, à savoir celles de fermentation haute.

Indépendamment de sa typologie, que la bière soit blonde de fermentation haute, IPA, blanche encore stout, celle-ci est « spéciale » dans notre pays. La tarification liée à ce statut particulier étant, bien entendu, adaptée. Nous paierons volontiers nettement plus pour une bière spéciale que pour une pils roturière.

Cette vision pour le moins manichéenne du marché belge n’est pas sans conséquence. Elle clive le consommateur en laissant d’un côté le buveur de pils traditionnel et de l’autre le dégustateur/amateur de bières spéciales. Chacun avec ses budgets et son ouverture individuelle à l’innovation. Je caricature à peine.

Une question d’innovation

Or, c’est précisément d’innovation dont il est question. Imaginons un marché dans lequel cette frontière pils/spéciales n’existerait pas. Imaginons un marché dans lequel toutes les typologies seraient vendues à peu près au même prix. Ce serait un marché où la lager serait une catégorie comme une autre parmi l’IPA, le stout, la blonde, la brune ou encore la blanche.

Dans un tel cas de figure, l’innovation brassicole ne toucherait plus une élite encline à la découverte mais tout un chacun. Ceci décuplerait la demande pour des bières spéciales et stimulerait fortement l’innovation, avec, à la clé, la création de micro-brasseries et d’emploi locaux ainsi qu’un essor du patrimoine culturel brassicole.

Ce type de marché existe, notamment outre-atlantique et dans plusieurs pays anglo-saxons. Je me réjouis du jour où la bière spéciale deviendra la norme en Belgique et non un marché de niche loin de la production de masse. Je me réjouis du jour ou la pils deviendra une sorte de spéciale.

Avec l’essor de l’éducation brassicole, l’attrait croissant du public pour le patrimoine culturel de la bière et, surtout, la tendance qu’ont les brasseries à produire de moins en moins de bières fortes en alcool, j’ai bon espoir que cette vision uniforme du marché arrive bientôt chez nous. Reste à savoir si les prix s’harmoniseront. Et si oui, dans quel sens. Là est toute la question.