Farniente

Bientôt les vacances. Périodes de repos et de retrouvailles. Il y a deux genres de personnes : celles qui adorent la farniente et celles qui en ont « le vertige ». Marlène Duretz analyse, en compagnie du psychologue Patrick Amar, cette peur de ne rien faire dans un article publié dans le journal Le Monde et qu’Inter Wine & Dine a choisi de vous partager.

La porte du bureau ou de l’atelier est fermée, les collègues rayés de la carte, l’agenda professionnel et les notifications du smartphone mis en cale sèche. Les vacances peuvent commencer.

À peine les bagages débouclés, la tête piquée dans la piscine ou la tournée des pots et potes engagée que s’invite la question fatidique : « Demain, on fait quoi ? » Dans l’euphorie du moment, tout au relâchement soudain, vous avez répondu par cet inopiné-remarquable-inavouable : « Rien, pourquoi ? »

Gestionnaire du vide

N’auriez-vous donc vraiment rien programmé pour le lendemain, laissant votre champ des possibles ouvert à tous les vents ? Si tel est le cas, vous êtes un excellent gestionnaire du vide et du moi, expert en slow et farniente. Mais si vous avez répondu : « Oui, demain, on commence tout doux à 7 heures avec un 10km autour du lac, suivi d’une partie de tennis et d’un barbecue. Pour l’après-midi, je dois encore peaufiner, mais le programme est en bonne voie », c’est qu’à l’évidence, vos doigts de pieds ne savent pas faire dans l’éventail.

Changer de rythme pendant ses vacances ? Décrocher ? « Et pourquoi faire ? », répondrait le Manu des Inconnus. « La première difficulté des vacances est cette rupture soudaine à opérer avec un rythme soutenu et les habitudes de vie qui vont avec, souligne le psychologue Patrick Amar. Le changement peut être brutal et nécessite un temps d’adaptation pour se sentir physiquement et mentalement en vacances. » Quelques jours peuvent être nécessaires, prenez votre temps.

Une perte de temps pour qui compte bien « en profiter un max ». Le « max » est-il l’ennemi du mieux ? « D’une façon générale, il y a une recherche de l’utilitarisme dans tout ce qu’on fait. Jusqu’à assister à une culpabilisation du rien faire, observe Patrick Amar. Il y a une prévalence du faire sur l’être. Et même pendant les vacances, la question de leur optimisation et de leur capitalisation se pose. Il est difficile d’imaginer un trou de trois semaines dans sa vie hyper-active et maximisée. »

Expérimenter l’ennui et l’introspection

Pour le psychologue, cette difficulté à ralentir ou s’arrêter témoigne d’une crainte de tomber – « Si je m’arrête, je suis mort, inutile, improductif, donc courons ! »… – et notamment de tomber sur soi. « Les vacances peuvent être une forme d’ascèse assez douloureuse pour les personnes dont l’identité repose sur le faire. Pas toujours facile d’assumer être cette personne en bermuda sur la plage qui shoote du coquillage sans que le monde entier ait un besoin impératif d’elle à ce moment-là. »

Pourtant, et bien que cela soit parfois anxiogène dans un premier temps, savoir déconnecter de la vie quotidienne, sans objectif, sans check-list ni smartphone, privilégier la qualité à la quantité, expérimenter l’ennui et l’introspection aussi ne peut être que constructif, assure le psychologue. « Utiliser les vacances pour apprendre d’autres modes de fonctionnement, pour avoir un répertoire comportemental et émotionnel plus souple, me permettra de disposer de clés et de perspectives plus riches lorsqu’arrivera l’heure du retour au travail ! »

Retrouvez l’article sur LeMonde.fr.